Décision CNDA n°14033523

Mots clés :
Violence aveugle de haute intensité résultant d’un conflit armé, protection subsidiaire, résolution de l’ONU

Analyse de la décision

Faits et procédure :

A l’appui de sa demande de protection, un requérant afghan soutient qu’il craint d’être exposé à des persécutions ou à une atteinte grave en cas de retour dans son pays d’origine.

 

L’OFPRA a rejeté sa demande. Dans la présente décision, la CNDA se prononce sur le recours formé contre cette décision de rejet.

 

Question(s) juridique(s) soulevée(s) :

L’Afghanistan, et plus particulièrement le district de Pol-e-Alam, est-il en proie à un conflit armé au sens de l’article 712-1, c) du Ceseda ?

 

Solution :

Le juge estime que les dires du requérant ne sont pas crédibles s’agissant de ses craintes conventionnelles, et refuse également au requérant l’octroi de la protection subsidiaire au sens de l’article 712-1, a) et b) du Ceseda.

 

Il examine en revanche, la situation sécuritaire dans la région d’origine du demandeur et, se basant sur le rapport annuel 2014 de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan de février 2015 ainsi que sur la résolution n°2210 du Conseil de Sécurité du 16 mars 2015, avance que la situation sécuritaire et humanitaire ne cesse de se dégrader dans l’ensemble du pays. Les civils sont la cible de nombreuses attaques, notamment le district de Pol-e-Alam, lieu de résidence du requérant.

Le juge qualifie alors la situation de violence généralisée de haute intensité et accorde donc la protection subsidiaire au requérant sur le foncement de l’article L. 712-1, c).

 

 

Portée :

 

Sur l’intensité de la violence :

 

Dans cette décision, le juge reconnaît que la situation dans certaines provinces d’Afghanistan atteint en 2015 un degré de violence généralisée de haute intensité (ce qui correspond à une « violence aveugle d’intensité exceptionnelle » selon une terminologie plus actuelle).

 

En l’espèce, c’est le caractère stratégique du district de Pol-e-Alam, en raison de sa proximité avec la ville de Kaboul, qui en fait une zone particulièrement dangereuse pour les civils. Le juge relève notamment que « les groupes insurgés et les forces gouvernementales afghanes se sont rendus directement responsables d’un nombre significatif d’attaques délibérées à l’encontre des populations civiles, nombre en constante augmentation par rapport aux années précédentes ».

 

Il est toutefois surprenant de faire état, en matière de conflit armé, d’une augmentation du nombre de victimes sans chiffrer ces pertes : une augmentation ou une diminution ne permet pas d’établir le niveau de violence qu’en fonction de celui précédemment constaté. En effet, une augmentation peut ne pas signifier une violence aveugle d’intensité exceptionnelle si le niveau précédent était très faible, tout comme, à l’inverse, en dépit de leur diminution, des atteintes aux civils peuvent demeurer suffisamment nombreuses pour que la situation soit qualifiée de violence aveugle d’intensité exceptionnelle.

 

Toutefois, en vertu de cette décision, tous les ressortissants Afghan originaire de Pol-e-Alam, s’ils sont considérés comme des civils, étaient éligibles, en 2015 et tant que la situation sécuritaire sera considérée aussi incertaine, à la protection subsidiaire (Ps-c).

 

Par la suite, la CNDA considèrera que tous les civils afghans se trouvent dans cette même situation du seul fait que Kaboul, seul point d’entrée dans le pays, est une zone de violence de haute intensité résultant du conflit armé (pour exemple, CNDA, 6 janv. 2017, n° 16005156). Une solution confirmée par le Conseil d’Etat (CE, 16 octobre 2017, n° 401585).

 

Sur la hiérarchie entre les protections :

 

Dans la décision d’espèce, après avoir classiquement examiné, en premier lieu, le droit à une protection conventionnelle, le juge écarte l’application des Ps-a et b (demandeur exposé à la peine de mort, à une exécution, à la torture ou des traitements inhumains ou dégradants), avant même de se pencher sur l’application de la PS-c.

 

L’ordre d’examen des protections peut alors laisser penser que si la PS-a ou b avait pu être accordée au requérant, la PS relative aux conflits armés n’aurait quant à elle pas été examinée. Cela induirait donc une hiérarchie ou du moins une certaine priorité entre ces différentes protections subsidiaire.

Statut de la décision : Octroi de la protection subsidiaire