Décision CNDA n°14017393

Mots clés :
Protection subsidiaire, violence aveugle de haute intensité résultant d’un conflit armé

Analyse de la décision

Faits et procédure :

A l’appui de sa demande de protection, un requérant libyen soutient qu’il craint d’être exposé à des persécutions ou à une atteinte grave en cas de retour dans son pays d’origine.

 

L’OFPRA a rejeté sa demande. Dans la présente décision, la CNDA se prononce sur le recours formé contre cette décision de rejet.

 

Question(s) juridique(s) soulevée(s) :

 

La Libye est-elle affectée, en février 2015, par un conflit armé au sens de l’article L.712-1, c) du Ceseda ?

Le cas échéant, quel est le niveau de violence à Benghazi ?

 

Solution :

Dans cette décision le juge ne retient pas le témoignage du requérant quant à ses craintes de persécutions, et ne lui accorde donc pas le statut de réfugié.

 

En revanche, le juge prend en compte la situation dans la ville de Benghazi, ville d’origine du requérant. Il estime alors que la ville est en proie à un conflit armé, que la violence sur place est aveugle et qu'elle atteint un niveau de haute intensité.

Pour se faire le juge se base sur plusieurs rapports des Nations-Unies : le conflit est dénoncé notamment par la résolution 2009 du 16 septembre 2011 du Conseil de sécurité de l’ONU. Puis en septembre 2014, le Secrétaire général des nations unies dans un rapport a annoncé que la situation en Lybie entrainait le déplacement forcé de la population. Et en novembre 2014, l’UNHCR appelle tous les pays à accueillir les réfugiés venant de l’est de la Libye au vu de la situation qui ne cesse de se détériorer.

 

Le juge accorde la protection subsidiaire au requérant.

 

Portée :

 

Le niveau d’individualisation des craintes d'un demandeur de protection issu d'une zone de conflit étant proportionnel au niveau de violence (CJEU, 17 février 2019, époux Elgafaji et CE, 3 juillet 2009, 320295), le juge doit examiner le contexte sécuritaire sur place.

 

Dans cette décision le juge se fonde essentiellement sur des rapports des Nations unies alertant sur la situation en Libye, en particulier à Benghazi pour estimer que le conflit armé atteint un niveau de violence aveugle de haute intensité, par conséquent, un civil, du seul fait de sa présence sur le territoire encourt une menace grave, directe et individuelle contre sa vie au sens de l’article L.712-1, c) du Ceseda.

 

On peut toutefois s'étonner que les éléments pris en compte par le juge pour qualifier le conflit soient ici très généraux : il est fait état « d'affrontements sans précédent », de « déplacements de population sans précédent », « de bombardements aveugles [ayant] fait des morts et des blessés parmi les civils, y compris les enfants », de « l'anarchie », mais aucune référence quantifiable n'est citée s'agissant du nombre de victimes civiles des conflits, de personnes déplacées.

 

En tout état de cause, en vertu de cette décision les ressortissants de l’est de la Libye, s’ils sont considérés comme des civils, seront éligibles à la protection subsidiaire (Ps-c), tant que la situation sécuritaire sera considérée comme incertaine. C'était toujours le cas en juin 2020 (par exemple, CNDA, 16 juin 2020, n°19039660).

 

Statut de la décision : Octroi de la protection subsidiaire