Décision CE n°363181

Mots clés :
Ps-c, qualification du conflit, appréciation souveraine des juges du fond

Analyse de la décision

Faits et procédure :

1) L’OFPRA a refusé à un palestinien originaire de Gaza la qualité de réfugié et le bénéfice de la protection subsidiaire.

 

2) La CNDA, saisie du recours contre cette décision, le rejette par une décision du 14 mai 2012 en écartant notamment le moyen selon lequel la région du requérant serait en proie à un conflit armé caractérisant une violence généralisée dans les termes de l’article L 712-1 c)

 

3) L’intéressé se pourvoit en cassation contre la décision de la CNDA. Le Conseil d’Etat se prononce alors sur ce recours.

 

 

Question(s) juridique(s) soulevée(s) :

Le Conseil d’État est-il compétent pour déterminer l’existence d’un conflit armé dans une zone donnée ?

 

Solution :

Après avoir admis que la CNDA peut, sans commettre d’erreur de droit, examiner les craintes d’un requérant à l’égard de plusieurs autorités distinctes (en l’espèce l’Autorité palestinienne et le Hamas), le Conseil d’État se prononce sur l’étendue de son contrôle sur l’appréciation par la CNDA de la situation sécuritaire d’une zone donnée.

 

Il affirme alors que l’existence du conflit relève de l’appréciation souveraine des juges du fond et que celle-ci ne peut donc pas être contestée devant lui.

 

Le juge rejette le pourvoi. Il ne contrôle donc pas le bien-fondé de l’appréciation portée par la CNDA sur l’existence d’un conflit armé.

 

Portée :

 

Dans cette décision, le Conseil d’État ne contrôle pas l’appréciation de la CNDA, cette absence de contrôle signifie que l’accord de la protection ne va dépendre que de l’expertise du juge de l’asile.

Cette absence totale de contrôle peut poser question. En effet dans une précédente décision (CE, 26 novembre 2012, n°341560), le Conseil d’État avait exercé un contrôle de la « dénaturation des faits » pour estimer que la Cour avait qualifier à tort une région de zone de conflit armé.

 

De plus, les expertises de la CNDA ne sont pas contrôlées, les ressources géopolitiques sur lesquelles se fondent les juges de l’asile proviennent en grande partie d’un service interne à la Cour (le CEREDOC). Ces notes sont considérées comme des documents internes et ne font l’objet d’aucun contrôle. Mais une décision du Conseil d’État du 12 juin 2020 pourrait remettre en cause ce système, en effet, celle-ci permet de faire annuler devant le juge administratif des documents dits « documents de portée générale ». Dans cette nouvelle catégorie apparaît les notes internes et tous documents « susceptibles d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation d’autres personnes que les agents chargés de les mettre en œuvre ». A la CNDA, ces notes internes ont des conséquences sur la situation des requérants, elles pourraient donc désormais être potentiellement contrôlées.

 

D'autant que dans le cas d’espèce, la situation de la bande de Gaza mérite discussion. Dans un rapport de 2007, l’observatoire pour la protection des défenses des droits de l’Homme avance que depuis 2006 le territoire de Gaza a subi les affrontements entre les groupes armés palestiniens et que ces combats se sont accompagnés d’exécutions extrajudiciaires de palestiniens par l’armée israéliennes. Les ONG alertent elles-aussi sur la situation, dans un billet interne de 2018 le président du CICR, Peter Maurer, avance à ce sujet que « la situation qui prévaut actuellement pour les deux parties ne peut plus durer, alors que chacun devrait pouvoir vivre dans la dignité ». Amnesty international dénonce entre autres, un recours excessif à la force, de la torture et des mauvais traitements et des exactions perpétuées par des groupes armés. La situation pourrait ainsi être qualifiée comme étant affectée par un conflit armé.

 

Statut de la décision : Rejet