Décision CNDA n°10016190

Mots clés :
Ps-c, existence d’une violence dans la province de Baghlan (Afghanistan), individualisation de la crainte

Analyse de la décision

Faits et procédure :

 

A l’appui de sa demande de protection, un ressortissant afghan, d’ethnie Tadjik et originaire de la province de Baghlan soutient qu’il craint des représailles de la part d’un dignitaire religieux pour avoir incendié involontairement un lieu de culte.

 

L'OFPRA a rejeté sa demande et dans la présente décision, la CNDA se prononce sur le recours formé contre cette décision de rejet.

 

Questions juridiques soulevées :

  • La province de Baghlan est-elle en proie à une violence aveugle résultant d’un conflit armé ?
  • Quels éléments d’individualisation permettent dans ce contexte d’octroyer la Ps-c ?

 

Solution :

 

Sur la situation sécuritaire à Baghlan : après avoir considéré les faits relatifs aux représailles du dignitaire religieux comme non établis et refusé l’octroi du statut de réfugié au requérant, la CNDA se penche sur la situation sécuritaire de la province de Baghlan, région d’origine du requérant.

 

Elle confirme l’existence en Afghanistan d'un conflit armé opposant les Forces internationales d'assistance et de sécurité sous le commandement de l'OTAN, l'armée nationale Afghane contre les Talibans et leurs alliés, et relève que :

 

  • le nord de l'Afghanistan et la région Baghlan sont caractérisés, selon le général Petraeus, commandant des forces internationales en Afghanistan, par une détérioration du niveau de sécurité en raison de l’infiltration en force des Talibans sur place ;
  • deux résolutions des Nations-Unies d’octobre 2009 et mars 2010[1] indiquent que l’organisation est préoccupée par le nombre de morts civils et la faible capacité du gouvernement afghan à garantir l’État de droit et protéger les populations civiles ;
  • l'augmentation du nombre de morts parmi les civils par rapport aux années précédentes est constatée par des déclarations officielles d'ONG et d’officiers français et américains ;
  • l'augmentation du nombre d’assassinat en plus des nombreux bombardements est également recensée par un rapport des Nations Unies.

 

La CNDA estime par ailleurs que le requérant est particulièrement exposé au conflit en raison de son âge qui l’expose à des pressions pour rallier une des parties au conflit. Il est donc exposé « à une menace grave, direct et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence généralisée résultant d'un conflit armés dans la région de Baghlan ». La protection subsidiaire lui est octroyée sur la base de l'article L.712-1 c) du CESEDA.

 

Portée :

 

Sur l’évaluation de la violence dans la région d’origine du requérant, le juge s’appuie sur plusieurs publications émanant des Nations-Unis se référant aux morts et blessés du conflit et aux causes de ces conflits (attaques talibanes, mines anti-personnelles, bombardements, assassinats).

 

Il est toutefois étonnamment peu disert sur les sources des éléments ainsi cités : par exemple la citation du général Petraeus n’est ni datée ni référencée, tout comme « un des rapports de l’Organisation des nations unies » évoqué plus loin dans la décision.

De la même façon, s’il est fait référence à plusieurs reprises à une augmentation des incidents sécuritaires, il n’est jamais indiqué en quelle proportion et au regard de quelle autre période.

 

Ainsi rédigée, l’argumentation du juge fournit donc peu d’éléments concrets sur les indicateurs pris en cause pour identifier la violence.

 

Par ailleurs, alors que cette décision intervient après celles de la CJCE[2] et du Conseil d’Etat[3] fixant le principe d’individualisation des craintes proportionnelles à l’intensité de la violence, il est surprenant que d’une part la décision d’espèce ne porte pas d’appréciation claire du niveau de violence dans la province du requérant et que d’autre part, il recherche directement des éléments d’individualisation des craintes du demandeur dans cette violence du conflit.

 

spécifiquement en raison d’éléments propres à sa situation personnelle dès lors que le degré de violence aveugle caractérisant le conflit armé atteint un niveau si élevé qu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’un civil renvoyé dans le pays ou la région concernés courrait, du seul fait de sa présence sur le territoire, un risque réel de subir lesdites menaces ».

 

[1] N°1890 du 08 octobre 2009 et n°1917 du 22 mars 2010

[2]CJUE, 17 février 2009, aff. n°C-465/07, Epoux Elgafaji

[3] CE, 3 juillet 2009, n°320295, Baskarathas, dont le considérant de principe mentionne que « l'existence d'une menace grave, directe et individuelle contre la vie ou la personne d’un demandeur à la protection subsidiaire n’est pas subordonnée à la condition qu’il rapporte la preuve qu’il est visé spécifiquement en raison d’éléments propres à sa situation personnelle dès lors que le degré de violence aveugle caractérisant le conflit armé atteint un niveau si élevé qu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’un civil renvoyé dans le pays ou la région concernés courrait, du seul fait de sa présence sur le territoire, un risque réel de subir lesdites menaces ».

 

Statut de la décision : Octroi de la protection subsidiaire