Décision CNDA n°639474

Mots clés :
Ps-c ; appartenance au sous-clan Sheekhaal et au clan Hawiye ; situation de violence généralisée résultant d'une situation de conflit armé interne au sens de l’article L 712-1 c du CESEDA

Analyse de la décision

Faits et procédure :

1) Un ressortissant somalien, du clan Hawiye et du sous-clan Sheekhaal, originaire de Mogadiscio, formule une demande de protection en raison des craintes qu'il éprouve dans son pays à l'égard de Shebabs et du conflit armé en cours.

2) L'Ofpra a rejeté sa demande qu'il conteste devant la CNDA.

Questions soulevées :

La Somalie est-elle affectée, en juin 2009, par un conflit armé ? Le cas échéant, dans quelle mesure la ville de Mogadiscio est-elle affecté par les violences de ce conflit ? Un climat de violence généralisé est-il installé en Somalie ?

Solution :

Après avoir estimé que les éléments du dossier ne permettent pas d'octroyer le statut de réfugié au requérant, la Cour examine sa demande au regard de la situation prévalant en Somalie.

Les juges considèrent que le contexte en Somalie a connu une importante dégradation depuis le début de l’année 2009, notamment à Mogadiscio où la situation atteint un niveau de violence généralisé tel que le requérant y serait exposé à une menace grave, directe et individuelle contre sa vie ou sa personne par sa seule présence.

Le requérant est donc fondé à se prévaloir du bénéfice de la protection subsidiaire au regard de l’article 712-1 c), la décision de l’OFPRA est donc annulée.

Portée :

Evaluation du niveau de violence :

De manière habituelle, la CNDA évalue le niveau de violence au niveau local : la situation de violence généralisée ne s'apprécie pas au niveau du pays d'origine dans son ensemble mais, de manière plus locale, au sein de la région dans laquelle le demandeur a le centre de ses intérêts ou dans les zones qu'il serait contraint de traverser en cas de renvoi dans son pays, pour rejoindre sa région d'origine (CNDA, 28 mars 2013, n° 12017575).

Et, en l’espèce la Cour observe une situation de violence généralisée au sein de la ville de Mogadiscio.

 

Pour déterminer le niveau de violence présent à Mogadiscio, la CNDA relève des informations générales sur la situation sécuritaire en Somalie (dégradation depuis le début de l’année considérée, retrait des troupes éthiopiennes et échec de l‘accord de Paix signé plus tôt, dégradation de la situation politique, opérations militaires et concertés des Shebas), et s’appuie sur de la résolution 1872 adoptée le 26 mai 2009 par le CSNU qui considère « qu’une dégradation politique et sécuritaire est en cours en Somalie résultant de violents affrontements opposantes les forces du gouvernement fédéral de transition à plusieurs clans et milices islamiques. Tous ces affrontements font que la ville de Mogadiscio se trouve dans une situation de climat de violence généralisée incluant des massacres, meurtres et mutilations visant les populations civiles de cette zone ».

Elle en conclue que la situation sur place peut être qualifiée de violence généralisée qui, « en raison de l’intensité qu’elle atteint », permet de protéger le requérant au titre de l’article L. 712-1, c) du Ceseda.

Concernant le critère de l’individualisation des craintes :

Dans le cas d’espèce, la Cour s’abstient d’individualiser les craintes du requérant dans le conflit. Autrement dit, sans l’écrire expressément, elle estime que la violence du conflit à Mogadiscio atteint un niveau de violence tel, que tout civil somalien qui en est originaire serait potentiellement exposé aux violences du conflit.

En effet, depuis un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne ( CJCE, 17 févr. 2009, aff. C-465/07, Elgafaji), le degré d'individualisation des craintes exigé, pour octroyer la protection subsidiaire relative aux conflits armés, est proportionnel au niveau de violence observé dans la zone dont le demandeur est originaire. Ainsi, lorsque la violence généralisée est de faible intensité, le critère d’individualisation doit être étayé afin d’octroyer la protection subsidiaire.

Avant cela, CNDA estimait que les individus originaires d’une zone de violence devaient démontrer l’existence d’une crainte individuelle au sein du conflit, peu importe e niveau de violence sur place. Par exemple dans l’arrêt CNDA, SR, 27 juin 2008, B*, no 581505, la CNDA avait retenu certes l’existence d’une violence aveugle liée à un conflit armé, mais aussi le fait que le requérant, Tamoul du Sri Lanka, était personnellement menacé du fait qu’il avait été contraint d’apporter son soutien aux Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (LTTE). Ainsi, le contexte de violence aveugle ne remettait pas en cause l’exigence d’une personnalisation des menaces.

Depuis l’arrêt Elgafaji, la CNDA a repris le même raisonnement en précisant que « lorsque la violence bien que préoccupante, n'apparaît pas aussi grave et indiscriminée, il appartient au demandeur d'établir qu'il serait, à titre individuel, directement exposé à ladite violence dans le contexte prévalant dans sa région d'origine » (CNDA, 2 sept. 2015, n° 15005004). Ainsi lorsqu’on observe la jurisprudence de la CNDA, la menace individuelle a pu être établie, du seul fait de la présence de la personne, en raison d'une situation de violence aveugle de haute intensité (pour exemple : CNDA, 2 sept. 2015, n° 1500500 ; CNDA, 5 oct. 2015, n° 14033523). A l’inverse, les craintes ont parfois dû être davantage individualisées lorsque la violence généralisée était d’intensité plus basse (pour exemple : CNDA, 24 janv. 2013, n°12018268 ; CNDA, 15 juill. 2013, n°13000622).

S’agissant plus particulièrement de la situation en Somalie, la menace a, suivant les périodes, pu être établie, du seul fait de la présence de la personne dans la zone considérée, en raison d'une situation de violence aveugle de haute intensité :      par exemple dans la région de Mogadiscio (CNDA, 20 mars 2014, n° 13018009) ou de Afgooye ( CNDA, 28 févr. 2012, n° 10019981).

Statut de la décision : Octroi protection subsidiaire