Décision CNDA n°630773

Mots clés :
Ps-c ; appartenance à l’ethnie Fellata ; situation de violence généralisée résultant du conflit armé se déroulant au Darfour au sens du c de l’article L712-1 du CESEDA

Analyse de la décision

Faits et procédure :

  • Un requérant de nationalité soudanaise, d’ethnie fellata et originaire du Darfour du nord, a sollicité le bénéfice d’une protection de l’Ofrpa. Ce dernier, se voit rejeter par l’OFPRA la qualité de réfugié
  • Le requérant conteste alors cette décision en formant un recours devant la CNDA

Question soulevée :

La situation de violence résultant du conflit armé se déroulant au Darfour peut-il entrainer, en avril 2009, l’octroi de la protection subsidiaire au sens de l’article L. 712-1, c) du Ceseda  ?

Solution :

La CNDA annule la décision de l’OFPRA et octroie la protection subsidiaire au requérant de nationalité soudanaise aux motifs que ce dernier est exposé à une menace grave, directe et individuelle contre sa vie résultant de la situation de violence généralisée résultant du conflit armé se déroulant actuellement au Darfour.

Portée :

Evaluation du niveau de violence :

En l’espèce, la Cour se contente d’indiquer qu’il y a un conflit armé en cours au Darfour, mais elle ne motive pas sa position et n’apporte aucune précisions sur la nature et les violences du conflit. Notamment, elle n’évalue pas du tout le niveau de violence, et ne s’interroge pas sur le besoin d’individualiser les craintes du requérant.

L’évolution jurisprudentielle de la Cour en matière de motivation du niveau de violence et sur l’obligation du juge de mentionner un conflit d’interne ou d’international est alors intéressante.

Quelques mois plus tôt, l'affaire Elgafaji (C-465/07), jugée le 17 février 2009 par la CJCE, avait considéré que l'exigence d'individualisation des craintes d'un demandeur issu d'une zone de conflit devait être proportionnelle au niveau de violence liée au conflit armée dans la zone dont il est originaire.

 

Ce n’est toutefois qu’en juillet de la même année, (CE 3 juillet 2009, n° 320295, Baskarathas), que le Conseil d’Etat admet la même position. La solution ainsi retenue par la CJCE et par le Conseil d'Etat pose donc une exception au principe selon lequel il revient à l’étranger d’établir qu’il est personnellement ciblé par des persécutions ou des menaces dans son pays d'origine. Ainsi, le demandeur n'a pas à établir ces craintes personnelles dans le cas très particulier où le degré de violence aveugle caractérisant le conflit armé atteint un niveau si élevé qu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’un civil renvoyé dans le pays ou la région concernés courrait, du seul fait de sa présence sur le territoire, un risque réel pour sa sécurité.

 

La décision d’espèce se situe toutefois, temporellement, entre ces deux décisions. Et si elle n’évoque pas expressément de niveau de violence, on peut observer qu’elle ne procède pas non plus à l’individualisation des craintes du demandeurs dans le conflit, comme elle le faisait auparavant systématiquement (par exemple, CRR, SR, 17 février 2006, 416162 ou encore décision CRR, SR, 17 février 2006, 497089). On peut donc en déduire qu’en s’abstenant d’individualiser, la Cour sous-entend ici que le conflit au Darfour atteint un niveau de violence élevé.

La Cour s’abstient aussi de détailler les éléments constitutifs du conflit armé au Darfour et notamment d’identifier les parties au conflit.

Or, quelques mois plus tard, le Conseil d’Etat a considéré que la CNDA a commis une erreur de droit en accordant la protection subsidiaire relative au conflit armé en se fondant sur l’existence de menaces graves, directes et individuelles provenant de bandes armées sans rechercher si ces menaces résultaient bien d’une situation de conflit armé ou international (CE 30 décembre 2009, 322375, OFPRA c/P). Cet arrêt a donc posé l’obligation pour le juge de qualifier le conflit d'interne ou international.

Ainsi, au regard de l’évolution jurisprudentielle, le juge ne pourrait à l’heure actuelle motiver la décision aussi sobrement qu’il ne l’a fait dans le cas d’espèce. Et, au regard des éléments énoncés, il semblerait que le conflit armé présent au Darfour serait qualifié de conflit interne au sens de la protection subsidiaire.

Statut de la décision : Octroi protection subsidiaire