Décision CE n°292564

Mots clés :
Articulation entre statut de réfugié et PS-c ; membre de la communauté assyro-chaldéenne d’Irak ; individualisation des craintes fondée sur la religion

Analyse de la décision

Faits et procédure :

1) Par une décision du 19 juillet 2002, l’OFPRA refuse à une ressortissante irakienne la qualité de réfugié et le bénéfice de la protection subsidiaire.

2) La CRR, saisie du recours contre cette décision, lui accorde le 17 février 2006, le bénéfice de la protection subsidiaire sur le fondement de l’article L.712-1 c) du CESEDA estimant que l’Irak est en proie à un conflit armé et que ses origines assyro-chaldéennes l’exposent particulièrement au conflit.

3) La requérante se pourvoit en cassation contre cette décision de la CNDA, s’estimant éligible au statut de réfugié. Le CE se prononce alors sur ce recours.

 

Question soulevée :

Est-il possible d’accorder la protection subsidiaire au demandeur qui, issu d’une zone de conflit, est exposé aux violences en raison de sa religion ?

 

Solution :

Le Conseil d’Etat considère que la Commission a commis une erreur de droit en lui refusant l’octroi du statut de réfugié à la requérante alors que les menaces dont elle était susceptible de faire l’objet trouvaient leur origine dans son appartenant à la communauté assyro-chaldéenne, motif religieux de persécution prévu par la Convention de Genève.

 

La Commission n’a donc pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et n’a pas suffisamment motivé sa décision. A cet égard, la requérante est fondée à demander l’annulation de la décision attaquée de la Commission des recours des réfugiés qui lui avaient refusé le statut de réfugié.

 

Portée :

Dans la présente décision le Conseil d’Etat rappele le caractère subsidiaire de la protection subsidiaire : elle ne peut être mise en œuvre qu’à défaut d’applicabilité de la protection conventionnelle.

 

Il a donc considéré qu’en dépit de l’existence objective en Irak d’une situation visée au c) de l’article L.712-1 du CESEDA, l’octroi de la protection subsidiaire n’est possible à mettre en œuvre que si les menaces pesant sur le civil, dans le conflit, ne se rattachent à aucun des cinq motifs de persécution visés par la Convention de Genève : race; religion; nationalité; appartenance à un certain groupe social et opinion politique.

 

Dans un tel cas, l’individualisation des craintes qui peut être exigée pour accorder la protection subsidiaire à quelqu’un qui vient d’une zone de conflit dont la violence aveugle n’est pas d’intensité exceptionnelle, fait basculer la demande d’asile dans le champ conventionnel : le statut de réfugié doit être délivré en lieu et place de la protection subsidiaire.

 

Il convient de relever que, dans de nombreux conflits, les civils sont pris pour cible pour des raisons religieuses et ethniques et donc pour des motifs conventionnels. Un élément que la CEDH avait d'ailleurs admis, par exemple, pour certaines ethnies du Darfour (CEDH, 15 janv. 2015, aff. 18039/11, A. F. c/ France CEDH, 15 janv. 2015, aff. 80086/13, A.A. c/ France). À travers ces deux arrêts du 15 janvier 2015, la Cour européenne des droits de l'homme avait jugé, au regard de la détérioration de la situation au Soudan, que les Darfouris d'ethnies non-arabes étaient systématiquement, dans le cadre du conflit au Darfour, exposés à des persécutions en raison de leur origine ethnique.

Statut de la décision : Cassation