Décision CNDA n°614422

Mots clés :
Ps-c, notion de civil

Analyse de la décision

Faits et procédure :

A l’appui de sa demande de protection, un requérant srilankais d’origine tamoule soutient qu’il craint d’être exposé à des persécutions ou à une atteinte grave en cas de retour dans son pays d’origine.

 

L’OFPRA a rejeté sa demande. Dans la présente décision, la CNDA se prononce sur le recours formé contre cette décision de rejet.

 

Question(s) juridique(s) soulevée(s) :

Existe-t-il un conflit armé au sens du droit d’asile en juin 2008, au Sri Lanka ?

 

Solution :

Le juge avance que l’origine tamoule du requérant n’est pas un motif suffisant pour être éligible au statut de réfugié. Et, son activité professionnelle ne permet pas de lui attribuer une quelconque opinion politique, d’autant que le requérant s’est gardé de prendre parti au conflit.

 

Le juge retient en revanche que le climat au Sri Lanka se caractérise par un état de violence généralisée résultant d’un conflit armé depuis que le gouvernement a rompu le cessez le feu de façon unilatérale en décembre 2006. Ce conflit se caractérise par des perpétrations d’attaques armées, des enrôlements forcés d’enfants ainsi que par des attentats et des exactions visant particulièrement la population civile.

Au regard de la situation et de l’activité exercée par le requérant, le juge avance que celui-ci peut être considéré comme un « civil intermédiaire » entre les parties au conflit et qu’il est de ce fait particulièrement exposé au conflit. Il lui accorde la protection subsidiaire sur le fondement de l’article L. 712-1, c) du Ceseda.

 

Portée :

Dans cette décision le juge retient que la position du requérant n’est pas celle d’un civil lambda mais celle d’un « civil intermédiaire » qui interagit, en raison de sa profession auprès des deux parties au conflit. Néanmoins, pour la Cour, ces agissements ne peuvent pas justifier l’octroi du statut de réfugié au regard de la Convention de Genève de 1951, alors que pourrait se poser la question des éventuelles opinions politiques en faveur d'une partie imputées par l'autre.

Toutefois, pour rendre sa décision le juge se fonde sur la situation au Sri Lanka, qu’il qualifie de situation de violence généralisée résultant d’un conflit armé au sens de l’article L.712-1, c) du Ceseda, et cherche ensuite à individualiser les craintes du requérant.

 

En effet, à la date de la décision, la CJCE et le Conseil d'Etat n’ont pas encore rendu les décisions posant le principe de l’individualisation des craintes proportionnelle au niveau de violence (CJCE, 17 février 2009, Meki Elgafaji et Noor Elgafaji c. Staatssecretaris van Justitie et CE, 3 juillet 2009, 320295), et la CNDA cherche à individualiser les craintes de l'ensemble des requérants issus d'une zone de conflit (pour exemple, CRR, SR, 17 février 2006, 416162).

 

Pour individualiser les craintes en l'espèce, la Cour retient que le requérant n’est pas parti au conflit mais y est particulièrement exposé au vu de son activité salariale et de son rapport avec les différentes parties du conflit.

Un tel critère d'individualisation pourrait être aujourd’hui considéré comme des opinions politiques imputées, et permettre l’octroi du statut de réfugié au sens de l’article 1A2 de la Convention de Genève dès lors que le Conseil d'Etat (CE, 15 mai 2009, n°292564) et la CNDA par la suite (par exemple, CNDA, 20 mars 2019, n° 17004013) estiment désormais que lorsqu'il est fait recours, pour l'application de la PS-c, d'un critère d'individualisation assimilable à un motif de la Convention de Genève (religion, ethnie, nationalité, opinion politique, appartenance à un certain groupe social), c'est alors le statut de réfugié qui doit être octroyé.

 

A défaut, pourrait aujourd'hui également se poser la question de l'éventuel octroi de la protection subsidiaire au sens de l’article L. 712-1, b) du Ceseda. La CNDA a en effet déterminé en 2020, les éléments qui permettraient de glisser de la PS-c, vers la PS-b, dès lors que les éléments d'individualisation des craintes sont très personnels, tels ceux d'espèce (CNDA, 10 janvier 2020, n°18024308 et 18024309).

 

En tout état de cause, et au-delà de la qualification du critère d'individualisation, si la même situation était examinée à l'aune des pratiques actuelles de qualification du niveau de violence, la situation au Sri Lanka serait considérée comme une violence aveugle intensité exceptionnelle (anciennement violence de haute intensité). C'est d'ailleurs l'orientation que la CNDA a prise entre l'arrêt Elgafaji de février 2009 et la fin du conflit au Sri Lanka (par exemple, CNDA, 13 mars 2009, n°580861).

 

Statut de la décision : Octroi de la protection subsidiaire