Décision CNDA n°628765

Mots clés :
Ps-c, situation sécuritaire en République de Tchétchénie

Analyse de la décision

Faits et procédure :

A l’appui de sa demande de protection, un requérant russe d’origine Tchétchène soutient qu’il craint d’être exposé à des persécutions ou à une atteinte grave en cas de retour dans son pays d’origine.

 

L’OFPRA a rejeté sa demande. Dans la présente décision, la CNDA se prononce sur le recours formé contre cette décision de rejet.

 

Question(s) juridique(s) soulevée(s) :

 

L’existence d’une guérilla rebelle implique-t-elle toujours l’existence d’un conflit armé au sens de l’article L. 712-1, c) du Ceseda ?

 

Solution :

Après avoir sommairement refusé la qualité de réfugié au requérant, le juge prend en compte la situation en République de Tchétchénie et non la situation dans l’ensemble de la Russie. Il avance alors que le contexte sécuritaire s’est stabilisé en République de Tchétchénie.

En effet, selon la CNDA, la guérilla rebelle est affaiblie et s’est réfugiée en montagne. L’existence d’un tel groupuscule fort fragmenté ne peut entrainer la qualification de la situation sur place comme étant une situation de violence généralisée résultant d’un conflit armé. La protection subsidiaire de l’article L. 712-1, c) du Ceseda ne peut donc être octroyée. Le juge rejette le recours.

 

Portée :

Dans cet arrêt, le juge retient le caractère stable de la situation en République de Tchétchénie depuis le début de l’année 2007 et ne considère plus cette zone comme une zone de violence généralisée.

Par ailleurs, le juge ne cite aucune des sources l’ayant conduit à produire cette analyse alors que le CPT du Conseil de l’Europe a rendu le 13 mars 2007[1] un rapport dans lequel il avance être préoccupé par l’utilisation de la torture et des mauvais traitements par les forces de l’ordre à l'encontre des Tchétchènes.

En droit humanitaire pour qu'un conflit impliquant des unités de guérilla[2] puisse être qualifié de conflit armé interne, il est nécessaire qu'il atteigne un certain niveau de violence.

 

Mais dans l’arrêt Diakité du 30 janvier 2014[3], postérieur à l'espèce, la CJUE a estimé que la notion de conflit armé en droit d’asile répondait à une définition autonome de celle donnée par le droit international humanitaire. Dès lors, le « conflit interne » en droit d'asile ne répondrait pas à la même définition qu'en droit international humanitaire et potentiellement, la définition du groupe armé pourrait elle aussi être autonome.

 

Toutefois, sur ce point, la CJUE précise qu'il peut y avoir conflit armé interne « sans que l’intensité des affrontements armés, le niveau d’organisation des forces armées en présence ou la durée du conflit fasse l’objet d’une appréciation distincte de celle du degré de violence régnant sur le territoire concerné ». Elle affirme donc qu'en droit d'asile c'est davantage le niveau de violence qui prime pour qualifier le conflit armé.

 

Donc la guérilla en Tchétchénie aurait pu rentrer dans la définition de conflit armé au sens de l’article L. 712-1, c) du Ceseda, si les actions qu'elle maintenait ou les opérations russes pour la contrer atteignaient encore un certain niveau de violence. A cet égard, la CNDA ne propose aucune évaluation de la violence qui demeure et, alors qu'elle estime que la guérilla reste active dans certaines zones, elle ne quantifie pas son activité ni celles des autorités russes pour les contrer, et ne vérifie pas si le requérant est originaire d'une de ces zones. Ce qui permettrait d'appliquer l'article L. 712-1, c), l'arrêt Diakité précisant qu'il peut y avoir conflit armé même si les violences ne se retrouvent pas en tout point du territoire concerné.

 

[1]Rapport du CPT, situation en Tchétchénie en 2007, disponible sur https://rm.coe.int/1680697bd1 ; voir aussi  le rapport d’Amnesty International sur les disparitions en Tchétchénie en 2008 disponible sur https://www.amnesty.ch/fr/sur-amnesty/publications/magazine-amnesty/2008-3/tchetchenie-disparitions#

[2]Pour la définition de la guérilla, voir le cours du CICR, disponible sur https://www.icrc.org/fr/doc/assets/files/other/cours-guerre-2.pdf p.22

[3]CJUE, 30 jan. 2014, C-285-12, Diakité, disponible sur https://europaforum.public.lu/fr/actualites/2014/01/cjue-conflit-arme-interne/index.html

Statut de la décision : Rejet