Décision CNDA n°18000865

Mots clés :
Ps-c, membre des forces armées, déserteur, Afghanistan

Analyse de la décision

Faits et procédure:

 

  • À l'appui de sa demande d'asile, un ressortissant afghan fait valoir qu'il serait exposé à des persécutions ou des atteintes graves par les taliban en cas de retour en Afghanistan en raison des opinions politiques lui étant imputées en raison de son appartenance à l'armée nationale afghane depuis 2010.

 

  • L'OFPRA a rejeté sa demande. La CNDA se prononce sur le recours formé contre cette décision de rejet.

 

Question soulevée:

Un déserteur de l'armée nationale d'Afghanistan peut-il se voir attribuer la protection subsidiaire au sens du c) de l'article 712-1 du CESEDA?

 

Solution:

 

Premièrement, la CNDA estime que le requérant a suffisamment démontré qu'il fait partie de l'ANA et qu'il est titulaire d'un grade équivalent à celui d'un sergent.

 

Ensuite, la CNDA se prononce sur les documents produits et les déclarations du requérant concernant les menaces des taliban et l'identification par ces derniers en 2016 et remet en cause leur crédibilité. En conséquence, le requérant n'est pas fondé de se prévaloir de la qualité de réfugié selon l'article 1er A, 2 de la Convention de Genève ou de de la protection subsidiaire selon l'article 712-1 a) et b) du CESEDA.

Par ailleurs, se penchant ensuite sur l’application de la protection subsidiaire prévue à l'article 712-1 c) du CESEDA , la Cour estime que le requérant n'a pas présenté de façon crédible sa rupture avec l'armée nationale d’Afghanistan. Par conséquent, elle refuse de le considérer comme civil.

 

Son recours est rejeté.
 

Portée:

Concernant la qualification de civil :

En droit international humanitaire, et selon le CICR, la qualification de civil s’envisage différemment pour les conflits internationaux et pour les conflits internes :

  • Dans les conflits internationaux toute personne n'appartenant pas aux forces armées ou à une partie au conflit peut être considérée comme civil (et pour définir les forces armées, il y a quatre critères: avoir une structure organisée et agir sous un commandement, porter un signe pour s'identifier, porter des armes ouvertement et agir contre la loi).
    Pour sortir d'une force armée, il est nécessaire de quitter le service actif, d'être démobilisé ou libéré. Cela est difficile à évaluer lorsqu’il s’agit de forces irrégulières, car il n'existe rarement de règlement officiel.

 

  • Dans les conflits internes, la qualité de civil est reconnue à « toutes personnes qui ne sont pas membres des forces armées de l'État ou de groupe armé organisé d'une partie du conflit » sauf si cette personne participe directement aux hostilités.

 

Dans une décision du 19 janvier 2017, la CNDA a précisé qu'une personne qui utilise une arme seulement pour se défendre mais sans subir aux ordres d'une partie du conflit reste une personne civile dans le cadre de la protection subsidiaire selon l'article L. 712-1,c ) du CESEDA.

 

Dans le droit de l'Union européenne, et plus précisément l’article 15 sous c) de la directive 2004/83/CE, la notion de conflit armé est interprétée de la façon autonome (CJUE, 30 janvier 2014, aff. C-285/12, Diakité ).

 

L’analyse judiciaire de l'EASO sur l'article 15, point c), de la directive estime à ce titre que la notion  de civil est plus large que celle prévue par le droit humanitaire en ce qu'elle concerne tous les individus hors combat.

 

En l’espèce, le requérant faisait sans conteste partie de l’armée nationale de l'Afghanistan, mais n’a pas convaincu des modalités de la rupture de son engagement militaire (désertion, démission ou licenciement), aussi la CNDA ne peut admettre qu’il a recouvré la qualité de civil au sens de l’article L-712-1, c) relatif à la protection subsidiaire des civils au sin des conflits armés..

 

En 2019, le Conseil d'État avait rendu deux décisions similaires (CE 11 décembre 2019 OFPRA c. M.A. N°427714 B et CE 11 décembre 2019 M.M. N° 424219 B ) concernant un membre de la police locale et à un membre de la police nationale d'Afghanistan. Dans ce dernier cas, il exigeait une démission officielle pour pouvoir admettre que le demandeur avait recouvré la qualité de civil.

 

Concernant la qualité de réfugié:

 

Le requérant n’a en l’espèce pas convaincu des menaces auxquelles il était exposé, en raison de ses fonctions, de la part de Talibans. La preuve de ces menaces permet pourtant, dans le contexte afghan, de protéger l’intéressé au titre du statut de réfugié( par exemple, le Conseil d’Etat dans sa jurisprudence OFPRA c/ M. Akondi, n° 323669 du 14 juin 2010 ,CNDA 28 novembre 2018 M. O. n° 18007777 R). D’autant plus que , la CNDA a considéré quelques mois plus tôt, que dans « dans certains contextes violents », tel l’Afghanistan, les policiers et militaires constituent « des cibles privilégiées pour les opposants, en particulier les groupes armés combattant les régimes en place » et peuvent de ce fait être éligibles au statut de réfugié en raison des opinions politiques ainsi imputées du fait de leurs fonctions (CNDA, 8 janvier 2019, n° 17049487).

Statut de la décision : Rejet