Décision CE n°427714 B

Mots clés :
Ps-c, membre des forces armées, qualité de civil

Analyse de la décision

Faits et procédure :

 

1) Le 28 décembre 2018 l'OFPRA refuse à un ressortissant afghane la qualité de réfugié et la protection subsidiaire

 

2) La CNDA fait droit au recours du requérant le 6 décembre 2018 et lui accorde le bénéfice de la protection subsidiaire sur le fondement de l’article L ; 712-1, c) du Ceseda.

 

3) L'OFPRA se pourvoit en cassation contre cette décision et le CE se prononce sur ce recours.

 

Question soulevée:

 

Est- ce qu'un membre de la police locale afghane peut-il être considéré comme civil dans le cadre de l'article L. 712-1 c) du CESEDA ?

 

Solution:

 

Le Conseil d’État casse la décision de la CNDA pour inexacte qualification des faits, au motif qu’un Afghan membre d’une police locale dans son pays ne peut être qualifié de civil au sens de l’article L. 712-1, c) du Ceseda.

 

La portée:

 

Concernant la qualification de civil :

En droit international humanitaire, et selon le CICR, la qualification de civil s’envisage différemment pour les conflits internationaux et pour les conflits internes :

  • Dans les conflits internationaux toute personne n'appartenant pas aux forces armées ou à une partie au conflit peut être considérée comme civil (et pour définir les forces armées, il y a quatre critères: avoir une structure organisée et agir sous un commandement, porter un signe pour s'identifier, porter des armes ouvertement et agir contre la loi).
    Pour sortir d'une force armée, il est nécessaire de quitter le service actif, d'être démobilisé ou libéré. Cela est difficile à évaluer lorsqu’il s’agit de forces irrégulières, car il n'existe rarement de règlement officiel.

 

  • Dans les conflits internes, la qualité de civil est reconnue à « toutes personnes qui ne sont pas membres des forces armées de l'État ou de groupe armé organisé d'une partie du conflit » sauf si cette personne participe directement aux hostilités.

 

Dans une décision du 19 janvier 2017, la CNDA a par ailleurs précisé qu'une personne qui utilise une arme seulement pour se défendre mais sans subir aux ordres d'une partie du conflit reste une personne civile dans le cadre de la protection subsidiaire selon l'article L. 712-1,c ) du CESEDA.

 

Dans le cas d’espèce, le requérant avait fait partie de la police locale d’Afghanistan, et le Conseil d’Etat estime à l’instar de la CNDA que cela l’exclu de la catégorie des civils puisqu’il s’agit  d’une «  force chargée de la sécurité de son village et d'actions de lutte contre l'insurrection ».

 

Le Conseil d’Etat n’examine pas en l’espèce si le requérant avait ou non officiellement quitté ses fonctions avant de fuir son pays. Mais, le même jour, la Haute juridiction a rendu une décision identique ( CE 11 décembre 2019 M.M. N° 424219) pour un membre de la police nationale (et non plus locale) d'Afghanistan. Une décision dans laquelle elle considère que le simple fait de quitter son pays n’est pas constitutif d’une démission régulière permettant au demandeur de recouvrer sa qualité de civil au sens de l’article L ; 712-1, c) du Ceseda.

 

A noter que si les policiers afghans ne peuvent ainsi pas se prévaloir de la protection subsidiaire, la CNDA a considéré en revanche quelques mois plus tôt, que dans « dans certains contextes violents », tel l’Afghanistan, ils constituent « des cibles privilégiées pour les opposants, en particulier les groupes armés combattant les régimes en place » et peuvent de ce fait être éligibles au statut de réfugié en raison des opinions politiques ainsi imputées du fait de leurs fonctions (CNDA, 8 janvier 2019, n° 17049487).

Statut de la décision : Cassation