Décision CE n°424219 B

Mots clés :
PS-c ; qualité de civil ; policier

Analyse de la décision

Faits et procédure:

 

1) Le 17 octobre 2017, l'OFPRA refuse à un ressortissant afghan la qualité de réfugié et la protection subsidiaire.

 

2) La CNDA confirme la décision de l'OFPRA le 14 mai 2018.

 

3) Le requérant se pourvoit en cassation contre  cette décision. Et le Conseil d'État se prononce sur ce recours.

 

Question soulevée:

 

Un membre de la police nationale peut-il être considéré comme civil?

 

Solution:

 

Le Conseil d’Etat estime que la CNDA n’a pas dénaturé les faits en jugeant que le requérant ne pouvait pas être considéré comme civil (au sens de la protection subsidiaire de l’article L. 723-1, c) du Ceseda) en raison de son appartenance au corps de la police nationale afghane. Le seul fait d'avoir quitté son pays n’est pas constitutif d’une démission de ce corps

 

La décision de la CNDA refusant au requérant le bénéfice de la protection subsidiaire est confirmée.

 

Portée :

 

Concernant la qualification de civil :

En droit international humanitaire, et selon le CICR, la qualification de civil s’envisage différemment pour les conflits internationaux et pour les conflits internes :

  • Dans les conflits internationaux toute personne n'appartenant pas aux forces armées ou à une partie au conflit peut être considérée comme civil (et pour définir les forces armées, il y a quatre critères: avoir une structure organisée et agir sous un commandement, porter un signe pour s'identifier, porter des armes ouvertement et agir contre la loi).
    Pour sortir d'une force armée, il est nécessaire de quitter le service actif, d'être démobilisé ou libéré. Cela est difficile à évaluer lorsqu’il s’agit de forces irrégulières, car il n'existe rarement de règlement officiel.

 

  • Dans les conflits internes, la qualité de civil est reconnue à « toutes personnes qui ne sont pas membres des forces armées de l'État ou de groupe armé organisé d'une partie du conflit » sauf si cette personne participe directement aux hostilités.

 

Dans une décision du 19 janvier 2017, la CNDA a précisé qu'une personne qui utilise une arme seulement pour se défendre mais sans subir aux ordres d'une partie du conflit reste une personne civile dans le cadre de la protection subsidiaire selon l'article L. 712-1,c ) du CESEDA.

 

Dans le cas d’espèce, le requérant avait fait partie de la police nationale d’Afghanistan, et le Conseil d’Etat estime à l’instar de la CNDA que cela l’exclu de la catégorie des civils alors qu’on peut s’interroger sur l’opportunité d’intégrer les policiers, non militaires, dans la catégorie juridique des forces armées.

 

Par ailleurs, le Conseil d’État précise que seule une démission officielle permettrait de réintégrer le policier dans la catégorie des civils. Il estime ainsi que le seul départ du pays ne met pas fin au statut de policier. Une position très tranchée qui peut surprendre puisqu’elle ne permet pas de nuancer selon la date de départ du pays (on pourrait penser qu’un pays et une fonction quittée depuis plusieurs années a entrainé de fait la fin du contrat du policier), ni selon le type de contrat que le demandeur avait signé pour rejoindre le corps des policiers (contrats qui sont le plus souvent à durée déterminée en Afghanistan).

 

Le même jour, le Conseil d'État a rendu une décision identique (CE 11 décembre 2019 OFPRA c. M.A. N°427714 B ) pour un membre de la police locale (et non plus nationale) d'Afghanistan. Le Conseil d’Etat ne fait ainsi aucune différence entre la police locale ou nationale d'Afghanistan, dont l’organisation, les modalités de l’intégration dans le corps, et les missions ne sont toutefois pas comparables.

 

A noter que si les policiers afghans ne peuvent ainsi pas se prévaloir de la protection subsidiaire, la CNDA a considéré en revanche quelques mois plus tôt, que dans « dans certains contextes violents », tel l’Afghanistan, ils constituent « des cibles privilégiées pour les opposants, en particulier les groupes armés combattant les régimes en place » et peuvent de ce fait être éligibles au statut de réfugié en raison des opinions politiques ainsi imputées du fait de leurs fonctions (CNDA, 8 janvier 2019, n° 17049487).

Statut de la décision : Rejet