Décision CNDA n°17045561

Mots clés :
PS-c, intensité de la violence à Kaboul (Afghanistan)

Analyse de la décision

Faits et procédure :

A l’appui de sa demande de protection, un ressortissant afghan originaire de Kaboul fait état de craintes de persécutions en raison d’opinions religieuses imputées par les membres d’un mouvement religieux intégriste.


L’OPFRA a rejeté la demande du requérant en septembre 2017. Dans la présente décision, la CNDA se prononce en faveur du recours formé contre cette décision de rejet. Elle accorde de ce fait la protection subsidiaire au requérant en application de l’article 712-1 c) du CESEDA.

 

Question(s) juridique(s) soulevée(s) :

Le degré de violence aveugle de la situation sécuritaire prévalant dans la région de Kaboul (Afghanistan) justifie-t-il l’octroi de la protection subsidiaire au sens de l’article 712-1 c) du CESEDA sans individualisation des faits ?

 

Solution :

Après avoir écarté l’octroi du statut de réfugié en raison de l’imprécision des déclarations du requérant relatives aux menaces et aux attaques qu’il prétend avoir subi, la Cour examine la situation sécuritaire à Kaboul.


Elle relève la situation de violence aveugle de haute intensité résultant d’un conflit armé prévalant au sein de la capitale afghane dont est originaire le requérant et lui accorde de ce fait la protection subsidiaire au sens de l’article 712-1 c) du CESEDA.

Pour établir le degré élevé de violence aveugle de la situation sécuritaire à Kaboul, la CNDA s’appuie sur plusieurs rapports du Bureau Européen d’Appui en matière d’Asile (EASO), de la mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (UNAMA) ainsi que sur le grand nombre de victimes des attentats perpétrés pendant le mois de janvier 2018.

 

 

Portée :

Cette décision permet de confirmer la tendance jurisprudentielle de la CNDA et du Conseil d’Etat, favorable en 2018 à l’octroi de la PS-c sans nécessité d’individualisation des faits aux demandeurs d’asile originaire de la région de Kaboul ou d’une région nécessitant le passage par Kaboul pour s’y rendre. On peut percevoir cette tendance jurisprudentielle dans les décisions suivantes : CNDA, 5 octobre 2015, M. Z., n°14033523 et CNDA 6 janvier 2017 n° 16005156.

Cette position s’appuie sur les jurisprudences de principe de la CJUE et du CE (CJCE, 17 février 2009, Aff. C-465/07, Epoux Elgafaji et CE, 3 juillet 2009, n°320295, Baskarathas) qui exigent une individualisation des craintes inversement proportionnelle au degré de violence prévalant dans la région d’origine.

 

En effet, en déterminant le degré de violence aveugle résultant d’un conflit armé dans la région de Kaboul comme étant suffisamment élevé pour justifier que tout civil courrait un risque d’atteinte grave seulement par sa présence sur le territoire, elle permet l’octroi de la protection subsidiaire à tout demandeur d’asile qui en remplit les conditions (c’est-à-dire en provenance de Kaboul ou d’une région nécessitant le passage par Kaboul pour s’y rendre et éligibilité à la PS).

Ainsi, cette décision permet de maintenir la qualification du degré de violence aveugle prévalant à Kaboul comme étant de haute intensité. Cela se manifeste dans la décision par des éléments très concrets tirés notamment d’un rapport de l’EASO (Bureau Européen d’appui en matière d’asile) daté de décembre 2017 qui fait état du nombre important de « 290 incidents sécuritaires survenus du 1er septembre 2016 au 31 mai 2017 ».

 

Cependant, si cette décision se manifeste comme étant une actualisation de la position de la CNDA à l’égard de la situation sécuritaire de la capitale afghane, l’essentiel des ressources prises en compte se réfère à des données datées du début de 2017. Or, dans un conflit aussi volatile que le conflit afghan, ce décalage entre les faits sur lesquels la Cour s’appuie et ceux qui se déroulent au moment de la décision peut être inquiétant sur la fiabilité de celle-ci.

 


Par ailleurs, lorsque l’on regarde le nombre de protections accordées par la CNDA de 2018 à 2019 aux demandeurs d’asile d’origine afghane (sachant qu’un retour vers l’Afghanistan passe obligatoirement par Kaboul, zone reconnue comme relevant de la violence aveugle de haute intensité) tirés des rapports d’activité de la CNDA pour ces deux années, on constate une explosion du nombre de protections accordées : en 2018, le nombre de protections accordées (PS et statut de réfugié confondus) s’élève à 571. En 2019, on passe à 1729 protections accordées soit près du triple.

Cette augmentation s’explique par la recrudescence de la violence en Afghanistan, liée entre autres au début de la campagne électorale en vue des élections présidentielles à venir (septembre 2019). Un pic de violence semble d’ailleurs avoir été atteint en juin 2019 selon le rapport semestriel de la mission des Nations Unies en Afghanistan.

Cette décision de la CNDA s’inscrit dans cette dynamique jurisprudentielle qui consiste à considérer la région de Kaboul comme demeurant une situation de violence aveugle de haute intensité.

 

De même, on peut également constater que la situation afghane est encore préoccupante à la fin de l’année 2020 puisque la question était à l’ordre du jour de la dernière session de l’Assemblée Générale des Nations Unies (la 74e, septembre 2019), et le sera très probablement à la prochaine session qui se tiendra en septembre 2020.

 

Statut de la décision : Octroi de la protection subsidiaire