Décision CNDA n°17021233

Mots clés :
PS-c, exclusion de la protection subsidiaire (actes graves allant à l’encontre des buts et principes des Nations Unies + menaçant l’ordre public), situation sécuritaire syrienne

Analyse de la décision

Faits et procédure :

 

A l’appui de sa demande de protection, une ressortissante syrienne fait état de ses craintes de persécutions ou d’atteinte grave en cas de retour dans son pays en raison notamment de l’abandon de son poste de fonctionnaire dans un établissement public de l’enseignement supérieur.

 

L’OPFRA a rejeté sa demande en avril 2017 en l’excluant du bénéfice de la protection subsidiaire au motif qu’elle présenterait « une menace grave pour la sûreté de l’Etat » et qu’elle se serait « rendue coupable d’agissements contraires aux buts et principes des nations unies au sens de l’article L. 712-2, d) et c) » du CESEDA.

 

La requérante a formulé un recours auprès de la CNDA, laquelle lui accorde le 3 juillet 2018, la protection subsidiaire.

 

Question(s) juridique(s) soulevée(s) :

Le degré de violence aveugle en Syrie résultant du conflit armé sur place justifie-t-il l’octroi de la protection subsidiaire à tout ressortissant syrien qui en fait la demande au sens du c) de l’article L-712-1 du CESEDA ?

Le soutien envers le régime syrien constitue-t-il une menace grave à l’ordre public français ? Peut-il être considéré comme allant à l’encontre des buts et principes des Nation Unies ? du c) de l’article L-712-2 du CESEDA ? 

 

Solution :

 

Le juge examine en premier lieu si les craintes de la requérante sont justifiées. Il écarte les craintes liées à l’abandon de son poste de fonctionnaire et à l’échec de son parcours universitaire, puisqu’ils n’entrainent pas des risques qui relèvent de la Convention de Genève. D’autre part, la CNDA affirme que la requérante ne peut prouver ses éventuelles opinions politiques qui pourraient lui être imputées par le régime et avoir des conséquences effectives sur elle. La Cour n’accorde donc pas le statut de réfugié.

 

En revanche, après un examen de la situation sécuritaire prévalant en Syrie, la Cour estime que la requérante, originaire de cette région, y est exposée à une menace grave pour sa vie ou sa personne en raison du conflit armé interne qui y a lieu.

 

Une fois la menace contre la sécurité de la requérante établie, la Cour revient sur l’exclusion de la protection subsidiaire formulée par l’OPFRA. Elle juge en effet qu’il n’existe pas « d’éléments précis et objectifs, de fonder des raisons sérieuses de penser que la requérante se serait rendue coupable d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies ou qu’une part de responsabilité pour les crimes mentionnés au c) de l’article L. 712-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pourrait lui être imputée personnellement. »

 

Portée :

 

S’appuyant sur un nombre conséquent d’écrits des différents acteurs internationaux (institutions internationales : ONU et Conseil de Sécurité, la Banque Mondiale ; ONG : Human Rights Watch ; organismes de presse : Figaro et Radio France Internationale) concernant la situation sécuritaire syrienne, la CNDA considère le pays comme étant dans l’incapacité « d’offrir une protection à un civil qui y serait renvoyé ».

En effet, ces rapports font état d’une situation préoccupante avec notamment des bombardements quotidiens sur des bâtiments essentiellement fréquentés par des civils (écoles, hôpitaux et zones résidentielles). Cela participe au fort accroissement du nombre de victimes de la guerre en Syrie (400.000 morts du fait du conflit syrien depuis 2011, 5 millions de personnes réfugiées à l’étranger et plus de 6 millions de déplacés à l’intérieur du pays).

En conséquence de quoi la CNDA exprime que « le degré de violence aveugle caractérisant ce conflit, qui touche l’ensemble du pays, atteint un niveau si élevé qu’il ne permet pas aux autorités, défaillantes, d’offrir une protection à un civil qui y serait renvoyé ».  Dès lors, il n’y a pas lieu à une individualisation de la menace pesant sur le requérant, conformément aux décisions CJCE, 17 février 2009, Aff. C-465/07, Epoux Elgafaji et CE, 3 juillet 2009, n° 320295, Baskarathas qui met en place le principe d’individualisation des faits inversement proportionnel au niveau de violence.

 

En outre, on peut constater que le juge se prononce ici sur l’ensemble du pays et non pas sur la seule région d’origine de la requérante. Cela signifie que les demandeurs d’asile ayant la nationalité syrienne sont éligibles à la PS-c sans nécessité de démontrer des craintes personnelles dans le conflit, dès lors que le requérant est un civil et qu’il n’y a pas de raison sérieuse de penser qu’il aurait commis des agissements propres à le faire exclure de la protection.

 

A cet égard, dans le cas d’espèce, la CNDA détermine que l’adhésion et la bienveillance d’un demandeur à l’égard du régime de Bachar-El-Assad ne constitue pas une implication dans un acte ou agissement contraire aux buts et principes des Nations Unies. Et à défaut d’éléments de preuve s’agissant « de pressions et violences sur des partisans de l’opposition en France ainsi que la surveillance et la dénonciation d'opposants au régime ayant eu pour conséquence la commission d'exactions sur ces opposants revenus au pays ou leurs proches restés en Syrie », l’exclusion de la protection subsidiaire en application des c) et d) de l’article L. 712-2 c) et d) du CESEDA n’apparait donc pas justifiée.

Statut de la décision : Octroi de la protection subsidiaire