Décision CNDA n°17043779

Mots clés :
PS-c, intensité de la violence à Gao (Mali), individualisation des craintes

Analyse de la décision

Faits et procédure :

A l’appui de sa demande de protection, un ressortissant malien originaire de Gao fait état de ses craintes de persécutions et d’atteinte grave en raison de ses origines ethniques (Bambara) ainsi que de la situation sécuritaire du Centre et Nord du Mali. Craintes illustrées par le décès de ses parents lors d’un attentat à la bombe et d’une attaque violente sur son magasin. Il a fui le Mali en janvier 2014 et rejoint la France.

 

L’OPFRA a rejeté la demande du requérant en septembre 2017. Dans la présente décision, la CNDA se prononce en faveur du recours formé contre cette décision de rejet. Elle accorde de ce fait la protection subsidiaire au requérant.

 

Question(s) juridique(s) soulevée(s) :

La situation à Gao et sur l’itinéraire pour rejoindre Gao atteint-elle un degré de violence suffisant pour relever de l’article L.712-1 c) du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ?

 

Solution :

Après avoir refusé, faute de pouvoir établir le motif ethnique de l’agression subie par le requérant, l’octroi du statut de réfugié, le juge examine la situation sécuritaire à Gao au regard de l’article L-712-1 c) du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du d’asile.

 

Il détaille dans un premier temps l’évolution générale du conflit au Mali puis relève que le degré de violence aveugle dans le Nord du Mali n’est pas suffisamment élevé pour considérer que tout civil se trouvant dans cette zone serait exposé à une menace résultant de la violence du conflit.

 

 

Il se penche alors sur d’éventuels éléments propres au requérant qui l’exposeraient particulièrement aux violences du conflit et retient à cet égard :

            - son « jeune âge » ;

            - son « isolement familial » ;

- et l’« absence de ressources liée à la destruction de son commerce par une des parties du conflit ».  

Le juge estime alors que la situation du requérant permet de le considérer comme « personnellement exposé à une menace grave et individuelle en raison d’une violence aveugle résultant d’une situation de conflit armé interne » et de lui accorder de ce fait la protection subsidiaire en vertu de l’article évoqué ci-avant.

 

 

Portée :

 

Sans l’écrire clairement, la CNDA qualifie la violence du conflit dans tout le Nord comme étant de « basse intensité ». Cela peut paraître étonnant au regard des arguments invoqués pour justifier cette position. En effet, l’évocation du nombre important d’attaques dans toute la région, des nombreuses atteintes aux civils et des milliers de personnes déplacées pouvait laisser penser que la violence allait être classée comme étant de haute intensité. De plus, l’argumentaire traite le Nord du Mali dans son ensemble alors que le cas en l’espèce concerne uniquement la région de Gao ; on peut donc regretter que l’argumentaire ne soit pas plus centré sur celle-ci.


Aussi, en raison de la qualification de la violence dans cette région comme étant de « basse intensité », il y a lieu à une individualisation de la menace pesant sur le requérant (conformément aux décisions CJCE, 17 février 2009, Aff. C-465/07, Epoux Elgafaji et CE, 3 juillet 2009, n° 320295, Baskarathas). Cette individualisation se fait sur des critères assez souples :

            - le « jeune âge », alors que le requérant a tout de même 26 ans

- l’isolement familial, que l’on retrouve nécessairement souvent dans les demandes d’asile puisqu’un conflit entraine de fait l’éclatement de nombreuses familles comme le révèle le nombre important de personnes déplacées au Mali.

 

Cette décision met donc en évidence l’ambivalence de la position de la CNDA face à la situation sécuritaire prévalant au Nord du Mali. En effet, la qualification de violence aveugle de basse intensité se fait en parallèle de la mise en place de l’individualisation des craintes sur des critères relativement souples.

Statut de la décision : Octroi de la protection subsidiaire