Décision CE n°404768

Mots clés :
PS-c ; obligation du juge de l’asile de qualifier le degré de violence ; moyen d’ordre public

Analyse de la décision

Faits et procédure :

1) Par une décision du 11 mars 2016, l’Ofpra a refusé à un ressortissant soudanais la qualité de réfugié ou à défaut le bénéfice de la protection subsidiaire.

 

2) La CNDA, saisie du recours contre cette décision, le rejette par une décision du 1er juillet 2016 en écartant le moyen selon lequel la région du requérant est en proie à un conflit armé caractérisant une violence généralisée dans les termes de l’article L 712-1 c) car il n’a pas été invoqué devant elle et qu’il était non justifié au vu des éléments du dossier que de la documentation publique disponible.

 

3) L’intéressé se pourvoit en cassation contre la décision de la CNDA. Le CE se prononce alors sur ce recours.

 

Question(s) juridique(s) soulevée(s) :

 

Le juge de l’asile est-il tenu de rechercher d’office le moyen selon lequel la région du requérant est en proie à un conflit armé caractérisant une violence généralisée au sens de la protection subsidiaire de l’article L.712-1 c) du CESEDA ?

 

Dans l’affirmative, s’il décide de rejeter ce moyen, peut-il l’écarter implicitement ? 

 

Solution :

Le Conseil d’Etat juge que la CNDA est tenue de rechercher d'office, pour chaque demande de protection, s'il existe, dans la région dont l'intéressé provient, une situation de conflit armé caractérisant une violence généralisée de nature à lui faire courir une menace grave, directe et individuelle pour sa vie ou sa personne en cas de retour dans son pays d'origine.

 

Néanmoins, il précise que lorsque ce moyen n’est ni invoqué par le requérant, ni fondé, le juge de l’asile peut l’écarter implicitement. En ce sens, la CNDA en l’espèce n’a ni commis d’erreur de droit, ni insuffisamment motivé sa décision, en se prononçant sur le seul moyen dont elle était saisie et en écartant implicitement celui sur l’existence d'une situation de conflit armé caractérisant une violence généralisée en ce qu’il n’était ni invoqué ni fondé.

Le pourvoi du requérant est donc rejeté.

 

 

Portée :

 

Le CE estime que la CNDA peut écarter implicitement le moyen selon lequel la région du requérant est en proie à un conflit armé caractérisant une violence généralisée à deux conditions :

  • Le moyen n'était pas invoqué devant elle ;
  • et elle l'estimait non justifié.

 

Une position qui peut surprendre à plusieurs égards, notamment lorsqu’on s’attache au cas jugé en l’espèce :

Il s’agissait d’un homme originaire du Darfour, au Soudan. Or, en juillet 2016, date à laquelle la CNDA s’est prononcée, la région du Darfour était bien affectée par une violence issue d’un conflit armé. [1] D’ailleurs, la jurisprudence de la CNDA de l’époque, allait dans le sens de l’octroi d’une protection subsidiaire pour les personnes originaires de cette zone (par exemple, CNDA 18 juillet 2016 M. I. n° 16014400 C).

 

Aussi, il semblerait que si la CNDA avait en l’espèce effectivement examiné la situation du demandeur au regard de la situation de violence liée au conflit armé en cours dans sa région, le requérant aurait obtenu une protection.

 

[1] Nations Unies (ONU), Security Council, “Report of the Secretary General on the African Union United Nations Hybrid Operation in Darfur”, 14 juin 2017. Lien : http://www.ecoi.net/file_upload/1226_1498743344_n1716079.pdf

 

Austrian Centre for Country of Origin and Asylum Research and Documentation (ACCORD), Sudan - Update on conflict-related incidents according to the Armed Conflict Location & Event Data Project (covering 2017), 18 juin 2018

Lien : https://www.ecoi.net/en/document/1435873.html

Statut de la décision : Rejet