Décision CNDA n°11011903

Mots clés :
Province de Nimruz (Afghanistan)/ Kaboul / Province d’origine non accessible en raison de la situation sécuritaire / degré d’intensité de la violence aveugle suffisant à établir une menace grave au sens de l’article L. 712-1 c) du CESEDA / Octroi de la protection subsidiaire

Analyse de la décision

Faits et procédure :

A l’appui de sa demande de protection, un ressortissant afghan fait état de ses craintes de persécutions et d’atteinte grave au motif d’opinions politiques favorables aux autorités pro américaines qui lui sont imputées par l’organisation terroriste des Talibans.

 

L’OPFRA a d’abord refusé sa demande de protection, l’excluant de fait de la qualité de réfugié et du bénéfice de la protection subsidiaire.      

Le requérant a ensuite formulé un recours auprès de la CNDA, laquelle se prononce sur ce recours dans la présente décision.

 

Question(s) juridique(s) soulevée(s) :

La situation sécuritaire prévalant dans la région d’origine du requérant (Province de Nimruz) et sur l’itinéraire pour s’y rendre présente-t-elle une intensité de violence aveugle suffisamment élevée pour justifier l’octroi de la protection subsidiaire au sens de l’article L.712-1 c) du CESEDA ? Et qu’en est-il de Kaboul, ville où le requérant possède ses intérêts ?

 

Solution :

Le juge écarte d’abord l’octroi du statut de réfugié au motif du manque de preuves circonstanciées et de témoignages pouvant établir la menace particulière et personnelle qui pèse sur le requérant.

 

Ensuite, le juge examine la situation sécuritaire prévalant dans la province dont est originaire le requérant et sur l’itinéraire qu’il lui faudrait traverser pour s’y rendre en cas de retour. Il détermine que cela est impossible au regard du « mauvais état des voies de communication » et de la nécessité de traverser le Hemland, région classée parmi les quatre plus violentes d’Afghanistan par le HCR.

 

Plus particulièrement, le juge examine la situation sécuritaire qui prévaut à Kaboul où le requérant possède des intérêts et classe la zone comme relevant d’un degré élevé de violence aveugle.

Ainsi, même si la province de Nimruz n’est pas classée comme relevant d’un degré élevé de violence aveugle, c’est le cas de l’itinéraire pour s’y rendre.

Cela permet d’octroyer au requérant la protection subsidiaire prévue à l’article 712-1 c) du CESEDA.

 

Portée :

A l’appui de sa décision, la CNDA utilise la classification du Haut-Commissariat aux réfugiés relative aux provinces d’Afghanistan ainsi que le site du Ministère français des Affaires Etrangères. Elle fait état d’une situation sécuritaire préoccupante dans tout le pays. L’argumentation se centre sur Kaboul et les provinces voisines en citant différentes attaques qui ont eu lieu dans la ville au cours de l’année 2011. En revanche, le juge ne procède à quasi aucune appréciation concrète du niveau de violence dans les provinces de Nimruz (province d’origine) et de Helmand (itinéraire pour s’y rendre) si ce n’est la classification précitée.

 

Cette décision s’inscrit dans la continuité des décisions de principe CJCE, 17 février 2009, Aff. C-465/07, Epoux Elgafaji et CE, 3 juillet 2009, Baskarathas qui établissent le principe d’individualisation des craintes inversement proportionnelle au niveau de violence. En effet, si la Cour soutient dans le cas d’espèce que la province de Nimruz ne présente pas les caractéristiques d’une zone de violence aveugle d’intensité élevée, c’est le cas en revanche de la province d’Helmand que le requérant devrait traverser en cas de retour.

 

On peut en ce sens constater que cette interprétation de la CNDA sur la protection octroyée en cas de danger sur le trajet jusqu’à la région d’origine a par la suite été validée par un arrêt du Conseil d’Etat du 16 octobre 2017 (CE, 16 oct. 2017, n°401585) qui permet la protection de tous les ressortissants étrangers qui, originaires d’une zone peu affectée par un conflit, devraient traverser une zone de violence pour rentrer dans leur région d’origine.

Statut de la décision : Octroi de la protection subsidiaire