Décision CE n°323667

Mots clés :
Vice de forme, pas d’appréciation du degré de violence dans la zone dont est originaire le requérant

Analyse de la décision

Faits et procédure :

Par une décision du 2 août 2007, l’OPFRA refuse à un ressortissant sri lankais, d’origine tamoule, la qualité de réfugié et le bénéfice de la protection subsidiaire.

La CNDA, saisie du recours contre cette décision, lui accorde le 15 octobre 2008, le bénéfice de la protection subsidiaire sur le fondement de l’article L. 712-1 c) du CESEDA.

L’OPFRA se pourvoit en cassation contre cette décision de la CNDA en tant qu’elle accorde à l’intéressé le bénéfice de cette protection. Le CE se prononce ici sur ce recours.

 

Question(s) juridique(s) soulevée(s) :

Quelle obligation incombe à la CNDA lorsqu’elle entend appliquer l’article L. 712-1 c) du CESEDA à un demandeur originaire d’une zone de conflit armé ?

 

Solution :

Le Conseil d’Etat se prononce en faveur du pourvoi de l’OFPRA et considère que la CNDA a commis une erreur de droit.         

Le CE estime que la CNDA n’a pas examiné le niveau de violence généralisée résultant du conflit armé interne qui touchait le lieu de résidence de l’intéressé alors même qu’il lui appartenait de le faire pour appliquer dûment l’article L.712-1 c) du CESEDA.

Le Conseil d’Etat retire en conséquence le bénéfice de la protection subsidiaire au requérant et renvoie l’affaire devant la CNDA pour qu’elle soit rejugée.

 

Portée :

Cet arrêt reprend explicitement les éléments de principes posées par un arrêt de la Cour de Justice des communautés européennes du 17 février 2009 (CJCE, 17 février 2009, Aff. C-465/07, Elgafaji) pour appliquer la protection subsidiaire relative aux conflits armés :

- La violence généralisée (qui sera par la suite renommée « violence aveugle ») est inhérente au conflit armé.

- Il n’est pas nécessaire pour octroyer le protection de l’article L-712-1 c) du CESEDA, que la violence et le conflit coexistent en tout point ;

- L’individualisation des craintes d’un demandeur issu d’une zone de conflit doit être proportionnelle au niveau de violence liée au conflit armé dans la zone dont il est originaire.

 

Le Conseil d’Etat tire comme conséquence directe de ces éléments que, sans appréciation de la violence du conflit, il ne peut y avoir d’analyse correcte de la nécessité d’individualisation des craintes du demandeur. Il impose ainsi à la Cour d’évaluer le niveau de violence avant d’octroyer la protection.

 

Cet arrêt vient ainsi enrichir la décision de principe du CE du 3 juillet 2009 (CE, 3 juillet 2009, n°320295, OPFRA c/ B.) qui reprenait déjà les principes posés par l’arrêt de la CJCE, notamment celui selon lequel le niveau de violence généralisée devait être évalué par le juge pour savoir s’il est nécessaire de rechercher l’individualisation des craintes du requérant. Dans le cas d’espèce, cette appréciation du niveau de violence généralisée n’avait pas été faite par le juge, ce qui donne lieu à une erreur de droit.        

Statut de la décision : Cassation