Décision CNDA n°16014400

Mots clés :
violence aveugle de haute intensité au Darfour central

Analyse de la décision

Faits et procédure :

  • Le requérant originaire du Darfour central a déposé une demande d’asile auprès de l’OFPRA en invoquant un conflit ancien avec des individus d’origine arabe durant son séjour dans un camp de réfugiés au Soudan du Sud et son appartenance à l’ethnie Bargo.
  • Sa demande a été rejetée par l’Ofpra et le requérant forme un recours contre cette décision devant la CNDA.

Questions soulevées :

La situation au Darfour central peut-elle être caractérisée de violence aveugle de haute intensité résultant d’une situation de conflit armé interne ?

Solution :

La Cour considère dans un premier temps que le requérant n’est pas exposé à des persécutions en raison de son appartenant ethnique et d’opinions politiques et refuse de lui accorder le statut de réfugié.

Dans un second temps, la Cour décide en revanche de lui octroyer la protection subsidiaire aux motifs que le contexte sécuritaire dans son pays et en particulier de la région de laquelle il provient peut être se caractérise par un degré de violence aveugle de haute intensité et qu’il existe donc pour le requérant un risque réel de subir une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne au sens des dispositions du c) de l’article L. 712-1 du CESEDA.

Portée :

Sur l’évaluation du niveau de violence :

Pour évaluer le niveau de violence dans la région du requérant et conclure à un niveau de haute intensité, la CNDA se fonde ici sur « les sources publiquement disponibles » et n’en cite qu’une seule, le « Rapport spécial du Secrétaire général et de la Présidente de la Commission de l’Union africaine concernant l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour daté du 8 juin 2016 exposant les résultats d’une évaluation de la situation au Darfour pendant la période allant du 1er juillet 2015 au 15 mai 2016 ».

Au regard de la date de la décision, il semble qu’il s’agisse alors d’une des sources les plus récentes.

S’agissant des éléments que la Cour retient de ce rapport, apparaissent :

  • le nombre (approximatif) de déplacés en 2016 en provenance du Darfour : « des dizaines de milliers de personnes ont été nouvellement déplacées en 2016 » ;
  • les « combats terrestres », en mars et avril 2016, dans la région d’origine du requérant ;
  • les « bombardements aériens », en mars et avril 2016, dans la région d’origine du requérant ;

Ces éléments semblent donc suffisants à la CNDA pour pouvoir qualifier une zone de violence aveugle de haute intensité.

Sur l’individualisation des craintes :

La Cour s’abstient ici d’individualiser les craintes du demandeur selon un raisonnement fixé depuis plusieurs années, en vertu duquel le degré d'individualisation des craintes exigé est proportionnel au niveau de violence dans la zone dont le demandeur est originaire.

 

En effet, de longue date, la doctrine s’est interrogée sur le possible effacement du critère de l’individualisation dans le contexte de violence généralisée. En effet, l’article L712-1 c) du CESEDA dispose que le bénéfice de la protection subsidiaire peut être accordée à un civil qui court un risque réel de subir : « une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence qui peut s'étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle et résultant d'une situation de conflit armé interne ou international ».

 

La CNDA effectuait, avant 2009, une lecture littérale de l’article L712-1 c) et les individus originaire d’une zone de conflit devaient prouver l’existence d’une crainte individuelle au sein de ce conflit (par exemple CNDA, SR, 27 juin 2008, B, no 581505).Ainsi, le contexte de violence aveugle ne remettait pas en cause l’exigence d’une personnalisation des menaces.

 

Mais depuis un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne en 2009 (CJCE, 17 févr. 2009, Aff. C-465/07, Elgafaji), l'exigence du critère d'individualisation est proportionnelle au niveau de violence généralisée. Ainsi lorsque la violence généralisée est de faible intensité, le critère d’individualisation doit être étayé afin d’octroyer la protection subsidiaire.

 

Dans le cas d’espèce, la violence dans la région d’origine du requérant ayant été qualifiée de haute intensité, il n’y avait pas à individualiser ses craintes dans le conflit pour lui accorder la protection subsidiaire au sens de l’article L. 712-1, c) du Ceseda.

Statut de la décision : Octroi de la protection subsidiaire