Décision CNDA n°15033384

Mots clés :
Réexamen ; dégradation de la situation sécuritaire ; absence de la situation de violence aveugle dans la province de Dohuk; PS-c

Analyse de la décision

Faits et procédure :

  • Le requérant de nationalité irakienne et d’origine kurde a déposé une demande d’asile devant l’OFPRA le 24 mars 2010, rejetée par une décision en date du 19 aout 2010.
  • Le rejet de la demande d’asile du requérant a été confirmé par une décision de la CNDA le 23 décembre 2011.
  • Le 3 aout 2015, le requérant a déposé une demande de réexamen de sa demande d’asile, qui a été rejetée par l’OFPRA au motif d’irrecevabilité en date du 21 octobre 2015.
  • Le requérant forme donc un recours contre cette décision devant la CNDA

 

Questions soulevées :

Le requérant est-il légitime à former une demande de réexamen de sa demande d’asile en cas de dégradation de la situation sécuritaire dans son pays d’origine ?

La situation régnant en province de Dohuk peut-elle être qualifiée de violence aveugle résultant d’un conflit armé ?

Solution :

La Cour considère que lorsque la situation sécuritaire dans le pays d’origine d’un demandeur de protection s’est dégradée au point de constituer une situation de violence aveugle résultant d’un confit armé au sens de l’article L. 712-1, v) du Ceseda, cela constitue un élément nouveau rendant recevable sa demande de réexamen.

Pour se faire, « il y a lieu de déterminer le degré de violence prévalant dans la région dans laquelle le requérant a sa résidence ainsi qu’au niveau des zones qu’il devrait traverser en vue de rejoindre sa région d’origine ».

En l’espèce, la Cour considère que si l’Irak est en proie à un conflit armé interne, la province de Dohuk est la moins touchée par les affrontements et que la situation ne peut, par suite, y être qualifiée de situation de violence aveugle au sens de la Ps-c. Par ailleurs, cette région est accessible directement depuis l’étranger par voie aérienne, si bien que pour la rejoindre, le requérant n’a pas à traverser de zones de violence.

La demande de réexamen est rejetée.

 

Portée :

 

La Cour confirme ici des raisonnements déjà bien établis :

  • Le bénéfice de la protection subsidiaire, sur le fondement de l’article L. 712-1 c) du CESEDA découle, de « l’existence, dans la région que l’intéressé a vocation à rejoindre, d’un degré de violence généralisée tel qu’il existe des motifs sérieux et avérés de penser qu’un civil renvoyé dans cette région courrait, du seul fait de sa présence sur ce territoire, un risque réel de subir une menace grave, directe et individuelle contre sa vie ou sa personne ».
  • Lorsque la situation sécuritaire prévalant dans la région d’origine d’un individu dont la demande a déjà été rejetée, se dégrade à un point tel qu’elle peut être qualifiée de situation de violence aveugle résultant d’un conflit armé, cela constitue un fait nouveau susceptible de modifier l’appréciation du bien-fondé de la demande au regard des critères prévus pour prétendre à la protection subsidiaire (dans le même sens, voir CNDA, 13 mars 2009, n°580861).
  • L’évaluation du niveau de violence se fait toujours au niveau local et non pas à l’échelle du pays entier : soit au sein de la région dans laquelle le demandeur a le centre de ses intérêts ou, à défaut, dans les zones qu'il serait contraint de traverser en cas de renvoi dans son pays, pour rejoindre sa région d'origine (CNDA, 28 mars 2013, n° 12017575).

 

Aussi, dans le cas d’espèce, la Cour retient que la situation en Irak s’est dégradée depuis que la demande d’asile du requérant a été rejetée. Toutefois elle considère que sa région d’origine est d’une part la moins atteinte par le conflit et d’autre part qu’elle est directement accessible par voie aérienne depuis l’étranger : le requérant ne serait donc en cas de retour pas affecté par les violences du conflit et le réexamen de sa demande de protection est pour ce motif rejeté.

Il peut être relevé, à cet égard, que si la Cour observe l’existence, dans la région d’origine du requérant, de deux aéroports internationaux, elle ne s’assure pas, en revanche, de l‘accessibilité de ces aéroports depuis la France.

Statut de la décision : Rejet