Décision CNDA n°13001703

Mots clés :
Ps-c, violence aveugle en Syrie

Analyse de la décision

Faits et procédure

 

La requérante, originaire d'Alep possède la nationalité syrienne mais également libanaise par mariage depuis 1991.

La requérante soutient qu'elle a été persécutée à Alep en raison de son adhésion à la communauté catholique locale.

La requérante s'étant vu refuser sa demande d'asile devant l'Ofpra, elle forme un recours devant la CNDA qui examine sa requête dans la présente décision.

 

Question(s) juridique(s) soulevée(s) :

 

Un demandeur qui possède la nationalité de deux pays, dont l’un est en guerre, peut-il obtenir la protection de l'article L712-1 c) du CESEDA ?

 

Solution :

 

Conformément à l'article 1, A2 de la convention de Genève, il est nécessaire d'évaluer les craintes de la requérante en cas de retour dans les pays dont elle a la nationalité. Ayant la nationalité syrienne mais également libanaise, la requérante doit prouver qu'il existe des craintes réelles en cas de retour dans ces deux pays.

 

S’agissant de ses craintes en Syrie, le juge ne retient pas les craintes liées à son appartenance religieuse au regard des déclarations impersonnelles et confuses de la requérantes à cet égard.

En revanche, le juge considère qu’Alep peut être regardée comme une zone de violence généralisée de haute intensité résultant d'un conflit armé interne, dans laquelle la simple présence de la requérante la conduit à un risque réel de subir en Syrie des menaces graves au sens de l'article L712-1 c) du CESEDA.

 

Néanmoins, le juge retient que la requérante n’est exposée à aucune crainte au Liban, aussi, aucune protection ne peut lui être octroyée.

 

Portée :

 

Dans la présente décision, la requérante voit sa demande d'asile rejetée en raison de sa double nationalité. Effectivement, dans les cas de double nationalité, le juge examine les craintes au regard des deux pays (CNDA, 16 oct. 2015, n° 14005451) . Si la requérante n'est exposée à aucune crainte au sens de l'article 1A2 de la Convention de Genève et L712-1 du CESEDA dans l'un de ses deux pays de nationalité, alors elle ne peut bénéficier d'une protection en France.

 

Ainsi, si elle en éprouve en Syrie, elle n’en allègue aucune au Liban.

 

En Syrie, la CNDA estime que la violence atteint, notamment à Alep, un niveau de haute intensité si bien que tout demandeur est exposé à une menace du seul fait de sa présence sur le territoire de cette dernière, au sens de l’article L. 712-1, c) du Ceseda,. Dès lors, l'individualisation des craintes n'est pas nécessaire, puisque selon les décisions de principe du CJCE, 17 février 2009, Aff. C-465/07, Epoux Elgafaji et du CE, 3 juillet 2009, n° 320295, Baskarathas, l'individualisation des craintes est inversement proportionnelle au niveau de violence.

 

En effet, selon un rapport mondial de Human rights watch de 2013, le niveau de violence en Syrie était déjà élevé en 2012, suite aux violentes répressions des manifestations contre le régime syrien. Le rapport précise que de nombreuses exactions étaient commises, notamment des exécutions extrajudiciaires dans des villes comme Idlib ou Alep. Un rapport de l'ONU de 2019 montre que la situation politique syrienne reste instable et les civils ne cessent de subir des violations de leurs droits, comme des détentions ou des enlèvements. Ainsi, depuis 2011, le nombre de réfugiés syriens ne cesse d'augmenter. Le pays étant « la plus grosse crise aujourd'hui dans le monde », le bénéfice de la Ps-c aux demandeurs syriens leur est en général accordé, en raison du niveau de violence de haute intensité, s’ils sont civils et que leurs craintes sur place ne relèvent pas d’un motif ouvrant droit au statut de réfugié. Effectivement, dans le cas où l'individualisation des craintes se base sur un motif relevant de l'article 1A2 de la Convention de Genève, alors le requérant peut se prévaloir du bénéfice du statut de réfugié (CE, 15 mai 2009 n°292564).

 

S’agissant de la situation au Liban, la requérante n’évoquait aucune crainte personnelle et le juge n’en a pas relevé d’office.

Statut de la décision : Rejet